Dans le monde numérique, il y a des annonces qui passent presque inaperçues et d’autres qui font grincer des dents. La dernière en date ? Microsoft a décidé que, dès février 2025, son nouveau client Outlook sera automatiquement installé sur tous les systèmes Windows 10. Oui, automatiquement. Et non, il n’y a pas d’option pour dire non.
Ce type de déploiement n’est pas nouveau pour Microsoft (ou d’autres géants de la tech), mais il soulève une question cruciale : dans quelle mesure sommes-nous encore maîtres des outils que nous utilisons au quotidien ?
Une mise à jour qui arrive... qu’on le veuille ou non
Dès le 28 janvier 2025, une première phase "optionnelle" permettra aux utilisateurs de découvrir le nouveau client Outlook. Jusque-là, rien de bien inquiétant. Mais à partir du 11 février, ce sera une autre histoire : avec la mise à jour de sécurité mensuelle, le nouveau client s’installera automatiquement sur tous les Windows 10.
Microsoft promet que cette nouveauté coexistera avec l’Outlook classique, sans altérer les configurations existantes ni changer les paramètres par défaut. Mais soyons clairs : combien d’entreprises, de salariés, ou même d’utilisateurs particuliers auront le réflexe ou le temps de désinstaller un outil qu’ils n’ont pas demandé ?
Ah, et pour ceux qui voudraient s’en débarrasser : préparez-vous à sortir l’artillerie lourde. Microsoft propose une méthode basée sur PowerShell et une modification du registre Windows pour empêcher la réinstallation automatique. Voici comment faire :
- Désinstaller le client Outlook :
Ouvrez PowerShell en mode administrateur, puis exécutez la commande suivante :Remove-AppxProvisionedPackage -Online -PackageName Microsoft.Outlook_FluentMail
- Bloquer la réinstallation automatique :
- Appuyez sur Win + R, tapez regedit, puis appuyez sur Entrée.
- Naviguez vers la clé suivante :
HKEY_LOCAL_MACHINE\SOFTWARE\Microsoft\Windows\CurrentVersion\AppModel
- Ajoutez une nouvelle clé appelée DisallowFluentMail et attribuez-lui la valeur 1.
- Redémarrer votre PC :
Cela garantit que les changements sont pris en compte.
Ces manipulations sont loin d’être intuitives et ne seront pas à la portée de tout le monde, ce qui montre bien le déséquilibre entre l’utilisateur et les décisions imposées par ces entreprises.
L’illusion du choix : quand vos outils ne vous appartiennent plus
Ce cas d’Outlook est symptomatique d’un problème bien plus vaste. Depuis des années, les géants de la tech avancent à leur rythme, imposant mises à jour, nouvelles interfaces et fonctionnalités sans réelle concertation avec les utilisateurs.
👉 Vous travaillez sur une application que vous connaissez sur le bout des doigts ? Une mise à jour arrive, et soudain, tout a changé.
👉 Vous avez optimisé vos process autour d’une fonctionnalité spécifique ? Elle disparaît, remplacée par quelque chose d’"innovant".
👉 Vous pensiez maîtriser vos outils ? Ce sont eux qui finissent par vous dicter leur logique.
Les entreprises, en particulier les PME, subissent ces transformations de plein fouet. Chaque modification imposée peut générer des coûts supplémentaires, désorganiser les équipes et nuire à la productivité.
Et le pire dans tout ça ? Nous sommes devenus si dépendants de ces outils qu’il est presque impensable de s’en passer. Outlook, Google Workspace, Office 365… Ces solutions ne sont plus des options : elles sont devenues des standards.
La souveraineté numérique : une priorité oubliée
Cette dépendance soulève une question cruciale : que reste-t-il de la souveraineté numérique des entreprises ? Si vos outils décident pour vous, si vos données sont stockées sur des serveurs distants que vous ne contrôlez pas, êtes-vous encore vraiment maître de votre environnement de travail ?
La réponse est souvent déconcertante. Nous avons accepté, presque sans nous en rendre compte, que nos systèmes d’information soient gérés par des acteurs externes. Certes, ces outils offrent des avantages indéniables : flexibilité, sécurité, mises à jour automatiques... Mais à quel prix ?
Microsoft, avec ce nouveau client Outlook, illustre parfaitement ce paradoxe. D’un côté, l’entreprise cherche à moderniser et unifier ses services. De l’autre, elle impose ses choix, laissant les utilisateurs et les entreprises dans une posture passive.
Et maintenant, que faire ?
Si cette situation vous laisse un goût amer, sachez qu’il existe des solutions. Elles ne sont pas toujours simples, mais elles méritent d’être explorées.
- S'informer pour ne pas subir
Suivre l’actualité numérique est essentiel pour anticiper les changements. Une mise à jour comme celle d’Outlook peut paraître anodine, mais elle peut avoir des impacts majeurs sur vos outils et vos équipes. - Diversifier ses outils
Les géants comme Microsoft ou Google ne sont pas les seules options. Des solutions open source, comme Thunderbird ou Nextcloud, offrent des alternatives intéressantes. Certes, elles demandent parfois un peu plus de temps et d’efforts, mais elles vous redonnent une certaine maîtrise. - Former ses équipes
Les changements imposés par des mises à jour peuvent être déstabilisants. Former vos collaborateurs à ces nouveaux outils (ou à des alternatives) est une manière proactive de limiter l’impact négatif de ces transitions. - Penser souveraineté numérique
Adopter des outils qui privilégient la confidentialité, le contrôle des données et l’autonomie technique peut sembler complexe, mais c’est une démarche nécessaire pour reprendre la main sur votre environnement numérique.
Le mot de la fin
Le déploiement automatique du nouveau client Outlook n’est qu’un exemple parmi d’autres. Chaque entreprise, chaque utilisateur doit aujourd’hui s’interroger : dans quelle mesure contrôlons-nous encore nos outils numériques ?
La modernisation et l’innovation sont importantes, mais elles ne doivent pas se faire au détriment de notre capacité à choisir et à maîtriser notre environnement de travail.
Alors, avant de subir la prochaine mise à jour imposée, posez-vous cette question : "Est-ce que cet outil m’appartient vraiment, ou est-ce moi qui lui appartiens ?"