Il y a 15 jours, je vous parlais de Yanis Varoufakis de Les nouveaux serfs de l’économie, qui décrivait comment les plateformes numériques ont transformé les entrepreneurs en serfs modernes. Nous pensions être dans une économie de marché, mais en réalité, nous sommes enfermés dans des écosystèmes contrôlés par quelques géants du numérique.
Aujourd’hui, je pousse la réflexion plus loin avec un autre livre clé : L’État entrepreneur de Mariana Mazzucato. Cette lecture renverse une idée reçue bien ancrée : les grandes innovations ne sont pas le fruit d’entrepreneurs de génie, mais bien des investissements publics massifs.
Si les Varoufakis et Mazzucato ne partagent pas exactement la même grille de lecture, leurs analyses se recoupent sur un point fondamental : le capitalisme n’est plus un jeu d’entrepreneurs privés risquant leur propre fortune. Il est devenu un système où les profits sont privatisés et les risques assumés par l’État.
Sans l’État, pas de Google, pas d’Apple, pas de Tesla…
Mariana Mazzucato démonte un mythe bien ancré : celui de l’entrepreneur visionnaire qui aurait révolutionné le monde seul, à la force de son innovation.
En réalité, chaque grande révolution technologique récente a été financée par des milliards d’argent public avant d’être récupérée et exploitée par des entreprises privées.
💡 Quelques exemples frappants :
- Internet ? Financé par la DARPA (agence de recherche du Département de la Défense des États-Unis).
- Le GPS ? Développé par la marine américaine.
- L’écran tactile des iPhones ? Issu de recherches financées par l’État américain.
- L’IA d’aujourd’hui ? Dopée par des décennies d’investissements publics en recherche fondamentale.
Autrement dit, l’innovation qui sert aujourd’hui à verrouiller des marchés entiers a été payée par nos impôts.
Et pourtant, une fois ces innovations suffisamment développées, elles sont absorbées par des géants privés qui captent l’intégralité de la valeur créée, tout en minimisant leur contribution fiscale.
Le plus ironique ? Ces entreprises, après s’être enrichies grâce aux investissements publics, font tout pour éviter de payer des impôts, et militent même parfois pour un État plus faible… alors qu’elles lui doivent leur succès.
L’innovation doit-elle vraiment être accaparée par quelques-uns ?
Si Yanis Varoufakis nous montrait comment nous étions devenus des serfs numériques enfermés dans des plateformes que nous ne possédons pas, Mazzucato pousse la réflexion plus loin :
👉 Et si nous reprenions le contrôle sur l’innovation ?
Elle défend une idée simple mais explosive :
💥 L’État ne doit pas seulement financer l’innovation, il doit aussi récupérer sa part du gâteau.
Car aujourd’hui, on privatise les profits mais on socialise les risques.
Un modèle plus équilibré exigerait que :
🔹 Les découvertes financées par l’État ne puissent pas être captées sans contrepartie. Pourquoi ne pas imposer des licences publiques sur certaines technologies essentielles ?
🔹 Les rentes des plateformes soient taxées à hauteur de leur dépendance aux financements publics.
🔹 Les profits générés grâce à ces innovations soient réinjectés dans des projets d’intérêt général, au lieu de finir dans des rachats d’actions ou des montages fiscaux sophistiqués.
Ce n’est pas une question idéologique. C’est une simple question d’équilibre et de justice économique.
Le débat brûlant autour de l’IA et du cloud
Aujourd’hui, le développement de l’intelligence artificielle et du cloud pose exactement le même problème.
👉 Qui profitera réellement des avancées en IA ?
Les modèles actuels sont formés sur des bases de données construites par des institutions publiques, des chercheurs, des universités et des citoyens. Mais qui capturera les bénéfices ?
Si l’on suit la logique actuelle :
❌ Les États investissent dans la recherche,
❌ Les entreprises privées récupèrent ces avancées,
❌ Elles verrouillent ensuite l’accès en imposant un modèle basé sur l’abonnement et la captation de données,
❌ Les citoyens, après avoir financé la recherche, doivent ensuite payer pour accéder aux fruits de ces innovations.
Ne sommes-nous pas en train de répéter exactement le même schéma ?
La question est brûlante. Si rien n’est fait, nous risquons de voir un marché entièrement dominé par quelques acteurs ultra-puissants, rendant impossible toute régulation ou rééquilibrage.
Alors, on laisse faire ou on réagit ?
Mariana Mazzucato ne prône pas un État omniprésent qui contrôlerait toute l’innovation. Elle propose simplement de créer des conditions de marché plus justes, où les bénéfices de l’innovation ne sont pas accaparés par quelques géants mais redistribués à ceux qui les ont financés : les citoyens.
Ce n’est pas une utopie. C’est une question de volonté politique et de choix économiques.
Deux visions s’affrontent :
🔹 Soit on accepte que les innovations financées collectivement deviennent des monopoles privés.
🔹 Soit on repense la manière dont on structure l’innovation pour qu’elle bénéficie réellement à la société dans son ensemble.
💬 Et vous, qu’en pensez-vous ?
L’État doit-il récupérer une part des innovations qu’il finance, ou doit-il se contenter de jouer le rôle d’investisseur silencieux ?
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